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Philippe San Marco sur
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Fin de partie ? (24/05/2008)
Plus de deux mois après les élections municipales, l’administration de la cité est toujours paralysée

La communauté urbaine ayant depuis des années hérité légalement de l’essentiel des compétences communales, c’est donc dans cette instance non élue au suffrage universel direct que s’est poursuivi à huis clos l’affrontement que les électeurs pensaient avoir tranché eux-mêmes par leur vote direct.
Dans des conditions déjà décrites c’est le candidat de la gauche qui a été élu président de MPM, c'est-à-dire chef de l’exécutif local. Quelques minutes plus tard, le même était mis en minorité par la même assemblée. Face à cette paralysie et devant le risque de transformer chaque vote en un incertain jeu de massacre, les deux camps ont donc dû chercher les bases d’un fonctionnement stable de l’institution. C’était bien sûr l’intérêt de la gauche qui avait bénéficié de la profonde division de la droite lors de l’élection du président mais qui se sachant minoritaire voulait stabiliser son incroyable victoire. Mais c’était aussi une obligation pour la droite qui n’arrivant pas à se rassembler était contrainte de limiter les dégâts. C’est ainsi que la gauche jouait du registre apaisant du rassemblement tandis qu’à droite les règlements de compte prenaient de l’ampleur. « Traîtres » contre « Sauveurs de Marseille », la bataille de succession de Jean-Claude Gaudin commençait prématurément, affaiblissant ce camp et amplifiant la victoire de l’équipe adverse.

Assumant sa responsabilité première, la gauche a donc fait des propositions. Un texte de base a été diffusé, accompagné d’un partage des délégations et des présidences de commission. Il était de bonne guerre que cette proposition soit favorable à la gauche qui en était l’auteur. Mais pour qu’il y ait accord, il fallait bien que la droite l’accepte. Un espace de négociation existait donc. Il ne s’agissait pas de revenir en arrière. Mais l’on devait tenter de créer un dispositif, pas seulement équilibré en termes de répartition des postes, mais surtout dynamique et crédible en termes de contenu des politiques mises en œuvre.
La vérité c’est que ce dernier souci était peu partagé. La grande majorité des maires des communes périphériques voulaient en finir au plus vite et il s’en est fallu de peu que la proposition initiale de la gauche soit validée en l’état. Une négociation a cependant eu lieu. Sérieuse, approfondie. Mais son résultat n’est guère satisfaisant.
Car le texte de référence a été, in fine, vidé de l’essentiel du contenu que nous avions demandé d’y faire figurer alors même qu’il ne s’agissait que du simple rappel des principaux choix politiques tranchés par les électeurs. C’est une déclaration lénifiante porteuse de lourds conflits à venir et dont le suivi annuel a même été refusé.
Quand à la répartition des responsabilités, si les déséquilibres les plus criants ont été corrigés, elle reste insatisfaisante. Certaines concentrations sont porteuses d’inévitables conflits d’intérêt. Quand à l’attribution de la délégation des relations internationales au maire de Plan de Cuques, elle illustre la légèreté, l’insouciance sinon la provocation avec lesquelles certains appréhendent la politique méditerranéenne. De toute façon le président a fait selon le bon vouloir de son parti et a d’emblée changé l’architecture initiale sur des points importants, sans parler d’exclusion personnelle en forme de « fatwa ».

Contrairement aux propos apaisants à usage externe faisant référence à un « accord de gouvernance partagée », une lutte implacable, sourde, quotidienne, va donc commencer.

La question pour la Convention Citoyenne est désormais de savoir s’il lui sera possible dans ce contexte d’être utile à la production de bien commun. La centralité de l’enjeu culturel, l’impératif du logement, l’urgence des transports collectifs, le plan climat territorial, la fracture sociale et numérique, l’exigence méditerranéenne, sont parmi les priorités que nous avions retenues lors de la campagne électorale. S’il est possible d’y apporter notre contribution, il ne faut pas se dérober.

Encore faut-il que des espaces de propositions existent. Car la viscosité du dispositif retenu n’a pas fini de faire ses ravages. Faute d‘élection au suffrage universel direct qui seule permettrait aux électeurs de trancher en dernier ressort, il a donc fallu pour administrer MPM créer un organisme génétiquement modifié, digne des pires cerveaux de Monsanto et croiser un partage politique entre la gauche et la droite et un partage territorial entre Marseille (800 000 habitants) et les 17 communes périphériques (200 000 habitants). C’est ainsi que sur 33 postes de vice-présidents (auxquels sont liées les délégations), l’équilibre politique accorde 13 postes à la gauche, 13 à la droite et 2 aux « indépendants » c'est-à-dire les élus de Marignane et Plan de Cuques (5 postes restent donc sans délégations officielles). Croisé à ce partage politique, le partage territorial : 18 postes de vice-présidents sont d’emblée réservés aux maires, ce qui signifie 1 siège pour Marseille sur 18. ça commence donc très mal pour Marseille. Sur les 15 postes de vice-présidents restants, et pour respecter la première clé du partage politique, 6 sont dévolus à la droite, 9 à la gauche. Ce n’est pas fini : ces 6 postes pour la droite doivent aussi être partagés entre Marseille (à qui il en reviendrait donc 3) et les autres communes (3 postes). Tout ceci conduit inéluctablement à un écrasement numérique des élus issus de la majorité municipale de Marseille qui se retrouvent scandaleusement sous-représentés (4 élus sur 33). . Cerise sur le gâteau, on annonce pour finir que le choix des délégations se fait en laissant d’abord les maires se servir.
Si vous n’avez pas tout compris c’est que vous êtes normalement constitués. Soit vous en restez là et vous refusez d’en savoir plus sur un système absurde, soit vous reprenez patiemment la lecture de ce paragraphe. Allez ! On vous donne quand même une petite bouffée d’air : l’attribution de 3 postes supplémentaires de vice-présidents aux communes périphériques pose trop de problèmes aux maires de celles-ci : quels élus, de quelles communes, et pourquoi eux, et pas d’autres, seraient ainsi bénéficiaires de l’indemnité afférente aux fonctions ? C’est trop de soucis pour les maires qui préfèrent rester seuls entre eux. Il est ainsi possible que sur les 3 postes en jeu, au moins 2 reviennent ainsi à des élus de la majorité municipale marseillaise qui prendront donc les délégations qui restent. Ouf ! Merci pour eux. Au final, les élus de la majorité municipale marseillaise seront donc au pire 4 (le Maire + 3) et au mieux 7 (le Maire + 6), sur 33. Pas belle la vie ? Que de combines pour en arriver là ! Quel mépris de l’électeur ! Quelle injustice pour Marseille et les Marseillais !
Merci M. Chevènement de votre loi absurde qui conduit d’abord à ce déni de démocratie et ensuite à cette paralysie.

Les problèmes de Marseille ont toujours été difficiles à surmonter. C’est l’honneur des équipes municipales de gauche et de droite qui se sont succédées depuis la Libération que d’y avoir fait face. Mais y rajouter maintenant l’imbroglio institutionnel suscite une légitime colère. Dans un premier temps les plus malins en tirent profit. Mais l’avenir en est gravement hypothéqué. C’est vrai que ça pourrait être pire. Ces jours-ci l’installation de l’assemblée régionale de Sicile a donné lieu à des débordements d’une autre dimension : « "mutinerie", "tireurs embusqués", "coup de main organisé", "criblé de plomb", "embuscade", "cible", "francs tireurs", "décapitation" ». La presse italienne rapporte des comportements autrement plus graves que ceux que nous vivons. Ne rivalisons pas avec eux. Mais c’est aussi cette semaine qu’à Lyon, les assises internationales du roman, portées par toutes les institutions locales et l’État, vont faire « se croiser des romanciers, des philosophes, des chercheurs de toutes disciplines et de tous les pays, des artistes aussi, tous ceux qui tentent de penser et d’inventer le monde d’aujourd’hui et de demain, de l’inscrire dans une histoire, d’en saisir les nuances et le devenir ».
Au possible nous sommes tenus, certes. On a quand même le droit d’être lucide devant le gâchis local.

Marseille, le 24 mai 2008.

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