Finances

«La fiabilité des comptes de la ville demeure affectée par diverses pratiques irrégulières» déjà relevées en 2006, observe la CRC. Un «manque de rigueur» altère la présentation des comptes et la détermination du résultat. Les comptes sont d’autant plus opaque qu’il arrive que la ville s'endette via l'un de ses satellites, sans que cela apparaisse dans les comptes de la municipalité. Ainsi elle a emprunté 26 millions d'euros par la Société mixte Marseille aménagement, sans que cela apparaisse dans le budget municipal. Par ailleurs la gestion de la TVA est «défaillante». La ville doit à ce titre plus de 500 000 euros à l’Etat.

La dette

Elle reste stable à un niveau «élevé» (plus de 1,8 milliard d'euros), ce qui coûte 57,6 millions d'euros de frais financiers en 2011. Jean-Claude Gaudin avait lui-même hérité d'une ville très endettée, la pression a très légèrement décru ces dernières années, mais les dernières opérations n'arrangeront pas les choses. En 2014, il faudra ajouter 103 millions d'euros du fait de l'aggrandissement du Stade Vélodrome (voir plus bas). Marseille n'a pas de capacité d'autofinancement, ce qui limite les marges dans une ville où les bases sont faibles, et la pression fiscale déjà très forte. Ne reste donc que le recours à l'emprunt. Heureusement, la ville semble dans ce domaine avoir limité les risques. Trois emprunts dits«structurés» seulement, les autres semblent sans risque. Bon point pour la municipalité, qui péche en revanche par le manque d’audit interne.

La chambre régionale des compte relève au passage l’information insuffisante du conseil municipal dans ces différents domaines «fondamentaux pour la gestion de la collectivité». Stratégie de la dette pas débattue, débat d’orientation budgétaire lacunaire, etc.

Stade Vélodrome

La chambre régionale des compte détaille très longuement l'agrandissement du stade, projet selon elle «surévalué» au regard des besoins, et pour lequel la ville a cédé aux «exigences» de l'OM. Le club aurait dû prendre en charge une partie des demandes qu'il présentait, et ne relevant pas de «l'intérêt communal» disent les magistrats de la chambre des comptes - qui ne savent donc pas que tout ce qui relève de l'OM est d'intérêt communal (au moins)? La ville leur a répondu que les prestations économique bénéficiant au club dans un stade rénové serviront de levier économique à la ville. En poussant un peu, on pourrait demander aux commerçants de reverser à l'OM une partie de l'augmentation de leur chiffre d'affaire?

Le rapport discute le choix de recourir au partenariat public-privé, fait à partir d'une analyse qui ne porte «ni sur la performance ni sur les différentes options de partage des risques». La ville n'aurait pas exploré toutes les voix juridiques possibles, par «manque d'expertise». Les magistrats notent que le dernier stade construit en PPP l'a été au Mans... qui désormais a quitté la Ligue 1. Touchons du bois.

Le rapport relève également que les nouvelles conventions entre la ville et l'OM ont aggravé les conditions défavorables de la mise à disposition pour la ville. Cette dernière ne touche plus que 50.000 euros par an. Selpn la chambre, sa part fixe ne devrait "pas être inférieure à 8 ME par an", avec une part variable assise sur le chiffre d'affaires du club, pas seulement sur la billeterie.

Gestion du personnel

Le sujet n'est pas nouveau, mais il reste bouillant à Marseille. La ville compte 11556 agents titulaires, ce qui est déjà pas mal, mais aussi 6000 non titulaires, dont 1750 vacataires. Or, «25 à 35% de ces vacataires pourraient prétendre au statut d’agents non titulaires de droit public», relève la chambre régionale. Ce qui induit un «risque juridique de requalification des contrats». La ville a intégré une partie de ces précaires récemment - en toute opacité, dénonce l'opposition.

Le rapport observe par ailleurs que la ville applique une durée annuelle de travail de 1567 heures au lieu de 1607. En se calant sur la durée légale, elle «ferait une économie de 10 ME par an et accroîtrait sans dépenses supplémentairres sa force de travail de 280 équivalent temps plein». Par ailleurs, elle continue de mettre à disposition, dans la plus grande opacité, du personnel auprès de la Coop Ville de Marseille, tenue par Force ouvrière, et auprès du Conseil mondial de l’eau. Bonne nouvelle pour la prochaine équipe (ou la même): il reste donc quelques marges de manoeuvre.

Bibliothèques

Les magistrats pointent le réseau inégalitairement réparti sur le territoire marseillais, et l'amplitude d’ouverture annuelle qui est à Marseille inférieure d'un mois (un mois!) à ce qui se pratique à Lyon et Paris par exemple. Ils notent par ailleurs que l’Alcazar, la superbe bibliothèque du cours Belzunce, est privée depuis 2012 de la mise à disposition gratuite de deux conservateurs d’Etat. Résultat de l'attitude d'une municipalité qui, pour ne pas froisser son syndicat majoritaire, FO, avait refusé la réorganisation proposée par le précédent conservateur, qui du coup fait le bonheur de la Bibliothèque municipale de Lyon.

Le rapport note aussi la disproportion, dans les musées, entre la fréquentation, faible, et le nombre d'agents au contact du public. La gestion du personnel (10 millions d'euros) est à améliorer, pointe-t-elle. La ville répond qu'une redéfinition de la gestion du personnel est en cours. Par ailleurs Marseille Provence 2013 est en train de modifier nettement la fréquentation.

Petite enfance

La ville afffiche 14772 places d’accueil disponibles au 31 décembre 2013? La chambre répond qu'elle n’en a trouvé que 10532, tous modes confondus. Les crèches municipales ont accru leur capacité de 65 places seulement entre 2008 et 2012 et les disparités territoriales, là aussi, sont fortes. Ainsi le VIIIe peut accueillir un enfant sur deux, quand le IIIe, très pauvre, ne répond aux besoins que d'un sur sept! Le rapport épingle la faiblesse du pilotage, la mauvaise connaissance des besoins. Elle évoque par ailleurs en creux la question du clientélisme en proposant de transformer les «réunions» d’attribution de places en crèche en «commissions», aux dates «rendues publiques».

Marseille aménagement

C'est le nom de la principale société d'économie mixte de Marseille, mais la CRC note que les collectivités sont très absentes dans le pilotage. Le maire n’a présidé aucun conseil, aucune AG. La communauté urbaine est également restée très absente. Elles se reposent sur la direction et la gestion du personnel semble très coûteuse. Empilement d’avantages, effectifs importants malgré baisse de l’activité. La Sem a procédé à une baisse de sa masse salariale, mais elle a négocié des départs eux-mêmes très coûteux, pour ensuite faire retravailler certains des cadres partis, via des contrats de prestation.

La chambre détaille quelques opérations de la société d'économie mixte, dont celle du quartier de La Capelette, souvent dénoncée par le député UMP Guy Teissier. L'opération passé d'une durée de 6 à 20 ans, avec un périmètre multiplié par quatre, sans «aucune réflexion stratégique et opérationnelle sérieuse» au préalable (idem pour le Palais omnisport, réalisé «sans réflexion suffisante sur sa fréquentation et son coût d’exploitation, et sans que la question de sa desserte soir résolue»). La participation de la ville est passée de 9,48 à 56,8 millions d'euros et les retards l'exposent à un risque financier important. Ces retards s'expliquent par le fait que le déplacement du centre de transfert des déchets qui se trouve au beau milieu n'avait pas été anticipé. Cela peut sembler étonnant mais c'est le cas. Le rapport pointe aussi les cessions aux promoteurs, «pas encadrés par une procédure permettant de garantir une valorisation optimale de ces biens».

Olivier BERTRAND Correspondant à Marseille